Cabo de Gata
Longueur de l'étape : 73,5 km
Temps de parcours : 4h24m55s
Météo : ensoleillé et chaud
Argent dépensé : 21,20 euros
J'aurais aimé écrire cet article le jour même mais le manque de temps fait que je ne le fais que rétrospectivement. L'arrivée à Almeria il y a deux jours a été très laborieuse avec une voie de service (via de servicio) qui longe l'autoroute par laquelle j'arrive dans la ville. Celle-ci se transforme vite en piste impratiquable remplie de cailloux et de petites montées régulières bien abruptes. Impossible de faire autrement, je pousse mon vélo et les freins sont mis à rude épreuve dès que je fais un pas pour avancer le vélo d'un mètre. Je reprends mon souffle constamment avec les deux mains en permanence sur les freins. C'est tout mon corps qui porte le poids des bagages et après cent kilomètres, cela l'oblige à puiser dans ses réserves. Après autant d'effort, j'arrive dans la ville et trouve assez facilement l'adresse de mon séjour.
J'arrive même pile à l'heure pour accompager Ieva, mon hôte, à son cours de yoga. A peine le temps de poser mon vélo que me voilà reparti pour un effort différent. En plus, pour arriver à l'heure, Ieva nous fait courir et mes jambes ont grand peine à suivre. On peut donc dire que j'arrive bien échauffé à ma première leçon de yoga. Heureusement, cette séance de début d'année est assez tranquille et me permet de souffler et détendre mes muscles. Après cette journée, je pense dormir comme un bébé.
Au retour, je profite d'un repas de colocs en compagnie de Ieva qui a répondu à ma demande de couchsurfing, Elena, Stéphanie, Falko et Emily, autre couchsurfeuse venant du Canada et arrivée la veille. Toutes les nationalités mélangées, lithuanienne, slovaque, française, allemande et canadienne, donnent une soirée bien vivante.
Le lendemain est plus reposant bien qu'une sortie pour visiter le château d'Alcazaba nous promène sur les hauteurs de la ville.
A cette occasion, je m'aperçois que je prends d'étranges réflexes en observant au loin les éventuelles routes qui me permettront de quitter la ville. Cette journée plus tranquille permet d'accumuler de l'énergie pour le lendemain et une sortie en vélo à Cabo de Gata. En effet, si j'ai décidé de rejoindre cette coloc, c'est au départ car Ieva souhaitait organiser cette virée en vélo. Comme je voulais absolument visiter le lieu, je me suis dit que c'était l'occasion parfaite. Ce soir-là, un troisième couchsurfeur, Jérémy et français aussi, se joint à nous pour cette virée.
La journée tant attendue arrive enfin. Le réveil à sept heures est assez difficile mais on arrive à avoir seulement cinq minutes de retard au point de rendez-vous. C'est ainsi qu'Ieva, Elena, Nikki, Jérémy et moi-même nous mettons en route avec le soleil levant.
Ieva a décidé que je serai le guide officiel et me vois difficilement refuser la tâche. Un arrêt rapide dans une station service permet de gonfler les pneus des vélos. Comme j'ai désormais l'habitude, je m'y colle volontiers ! Malgré les 70 kilomètres qui nous attendent, tout le monde est motivé et la distance est assez floue pour certains dont les plus grandes virées n'ont jamais dépassé 20 kilomètres. L'allure du groupe donne raison à cette motivation. On avance bien. De toute manière, rien ne nous presse et c'est dans cet état d'esprit que les kilomètres défilent.
Après un arrêt sur un marché en bord de route pour prendre des provisions pour pique-niquer, nous attaquons la seule difficulté de la journée, un col à 10%, mais sur une courte distance. Nous voulons ainsi atteindre le phare de Cabo de Gata. La côte est difficile pour les filles. Elles tiennent le coup quelques kilomètres mais finissent le col pieds à terre.
Alors que le phare est en vue et qu'il n'a rien d'extraordinaire, je suggère de ne pas aller plus loin, descendre pour remonter ne nous apporterait rien de plus. Les autres sont d'accord et nous prévoyons donc de rebrousser chemin pour aller se poser sur une plage.
A ce moment, nous profitons un instant de la vue offerte par cet effort.
C'est alors qu'Ieva remarque un ponton sur la plage avec des personnes dessus. On comprend rapidement qu'un mariage a lieu sur une plage en contre-bas en voyant la mariée rejoindre le ponton. Une musique se fait alors entendre et en observant le silence, on entend la chanson Somewhere over the Rainbow interprétée par Israel Kamakawiwo'ole.
A ce moment précis, même le vent s'arrête de souffler et laisse place à un instant magique. La succession des évènements avec l'atteinte du col, la vue, le mariage, la musique et le vent qui s'arrête rendent l'instant unique. Tout se conjugue et on ne pense alors plus à rien, sinon qu'à savourer. Il est difficile de retranscrire ce que l'on ressent mais c'est très fort. Le fait d'être parti un peu en retard, d'avoir perdu un peu de temps pour faire des courses, toutes ces choses qui font que cet instant a lieu et qu'on se dit que l'on devait le vivre. Tout le groupe est marqué par ce moment et le partager le rend encore plus fort.
L'esprit porté par ce que l'on vient de vivre, on déboule la pente pour rapidement atteindre une plage qui nous convient. C'est alors que l'on rencontre Vincent, un français venu en couple. On discute un peu et il se trouve qu'il est d'Almeria. On se donne rendez-vous pour le soir.
On passe alors un après-midi très tranquille ponctué de baignades et pique-nique. On est là et on se dit que l'on est bien.
Après avoir suffisamment profiter du lieu on reprend la route, Jérémy, moi et les trois sirènes qui nous accompagnent.
Sur le retour, Ieva me dit qu'elle ne comprennait pas pourquoi je faisais ce tour à vélo mais qu'après cette journée elle me comprend. Même les distances que je parcours ne l'impressionne plus et les 70 kilomètres de la journée sont au final bien digérés par tout le groupe. Le retour avec le vent dans le dos est idéal. Je laisse Ieva prendre la tête de file, comme un passage de relais.
Le soir, nous nous rendons au bar à tapas Tio Mio où chaque tapas est un plat à lui seul. Comme prévu on y retrouve Vincent, ainsi que deux amis de Nikki. Cette soirée est le point final d'une journée riche. On finit par rentrer et pendant que les autres fument la chicha, je prépare mon départ du lendemain en faisant le DJ. Je vous offre une chanson qui résume bien la journée.
Une fois tout le monde couché, vers deux heures du martin, je me plais à repenser à ce jour. Les images défilent et le sourire se fige. Je suis réellement content d'avoir partagé cette "pause" avec ce groupe de personnes. Elle a l'avantage, accessoirement, d'entretenir mon rythme tranquillement. Surtout, le fait d'avoir pu faire vivre un bout de mon voyage à des personnes que j'apprécie beaucoup est très gratifiant. Il est parfois difficile d'expliquer pourquoi je fais ce tour mais les retours de cette expérience montrent qu'il n'y a rien de tel que l'exemple.
Depuis les réparations, le vélo se porte et me porte super bien. Mon moral est à son apogée. Je rumine longtemps tous ces moments, je les savoure, seul. Il est trois heures du matin et mon réveil est à sept heures. Je vais dormir peu mais cela m'est égal. Aucune fatigue ne peut freiner un tel élan délivré par la seule force de rencontres comme celles-ci. On est triste de partir mais impatient d'aller vers ces prochaines rencontres. Je crois que je veux que cette journée dure encore, le plus possible, pour toujours. J'ai le même sentiment qu'après certaines soirées mémorables du coin d'Parodi, où la force émotionnelle livrée par la générosité des personnes est telle que sa digestion nécessite du temps avant de pouvoir dormir. Peu importe sa durée, la qualité du sommeil est alors très grande.
Je fais mes dernières vérifications pour ne rien oublier et cela me permet de me faire une réflexion. Si un oubli matériel pourrait m'être préjudiciable, il y a une chose que je souhaite oublier lors de toutes mes rencontres. Cette chose c'est une part de moi.
Ieva, Elena, Emily, Nikki, Jérémy, we'll definitely meet again, somewhere...